• Le Complexe du Castor

    « Bonjour,

    Celui qui vous a remis cette carte a été confié à une marionnette thérapeutique, chargée de créer une distance psychologique entre lui et les aspects négatifs de sa personnalité. Traitez-la normalement mais adressez-vous au castor. »

    Voici la carte que Walter (Mel Gibson) tend aux personnes avec qui il veut entrer en contact. Quinquagénaire dépressif, poussé hors de la maison familiale par sa femme (Jodie Foster), ce patron d'une entreprise de jouets sur le déclin pense guérir sa maladie grâce à une marionnette en forme de castor. Juchée sur son bras gauche, empruntant sa voix, la peluche parle et agit au nom de Walter.

    Jodie Foster orchestre avec finesse le thème de la schizophrénie. Elle ne se contente pas de filmer la descente en Enfer de cet homme brisé dont la survie dépend d'une marionnette. La réalisatrice insuffle une personnalité propre à cette peluche, passant du statut d'infirmier à celui de dictateur. Le Castor efface peu à peu la personne qui lui donne vie, allant jusqu'à faire oublier l'existence de son hôte – lors d'une interview télévisée, le cameraman ne filme que la marionnette. La suprématie de la peluche est soutenue par les collègues de Walter, ravis de le revoir au sommet de sa forme, et par son plus jeune fils, heureux d'avoir retrouvé son père. Seuls sa femme et son fils aîné (Anton Yelchin) considèrent le Castor comme un parasite.

    La réalisatrice entraîne le spectateur dans un univers au réalisme troublant –la dépression est le mal du siècle d'après les psychothérapeute. Afin de traduire la complexité de ses protagonistes, Jodie Foster exploite plusieurs genres –le comique, le dramatique et l'horreur- donnant l'impression au spectateur d'être à l'image de son personnage: désorienté. S'il n'est pas désagréable d'être ainsi manipulé par la réalisatrice, on déplore un manque d'audace dans la manière de filmer. Une témérité assumée aurait permis de réchauffer le scénario parfois trop frileux.


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  • Ma Part du Gâteau

     

    Face aux critiques mitigées sur le dernier Klapisch, j'ai longtemps hésité à aller le voir, me rappelant ma déception face à la scène finale de Paris -un des personnages principaux, en voix off, nous fait un speech mélodrame à propos de la mort: seuls ceux qui vont mourir sont conscients de leur existence. Une conclusion sans subtilité qui m'avait gâché ce si beau film. J'ai eu tort d'attendre.

    Ma Part du Gâteau commence comme un conte moderne. France, la quarantaine, licencié depuis peu d'une usine de Dunkerke, tente de retrouver du travail à Paris en tant que femme de ménage. Elle est employée chez Stéphane -surnommé Steve par ses collègues-, un trader, génie de la bourse mais looser des sentiments.

    Nous ne sommes pas dans un film américain se terminant par un happy end où le méchant trader va s'humaniser au contact de la gentille femme de ménage qui va apprendre à ne plus se laisser faire. C'est un Klapisch. Il n'y a ni bons, ni mauvais personnages. Ce sont des êtres humains dans toute leur complexité.

    J'aimerai exposer ici un point de vue différent aux critiques qui ont qualifié le final de Ma Part du Gâteau comme évasif, prouvant ainsi la non-implication du réalisateur dans cette oeuvre. Il me semble qu'il s'agit plutôt d'un coup d'éclat. En laissant le spectateur sur sa faim/fin, Klapisch lui lègue la place de juge. Il aime à renverser les rôles, aussi bien ceux de ses personnages -faisant de la victime un bourreau et vice versa- que ceux inconsciemment imposés par une salle de cinéma – d'un côté de l'écran le réalisateur, de l'autre le spectateur. Aux critiques qui pensent que Klapisch ne finit pas ses films, je leurs réponds qu'il nous les donne. Il rend la liberté -de juger, d'imaginer, de spéculer- aux spectateurs, passifs devant l'écran de cinéma. Et c'est là que réside le plus grand talent de ce réalisateur.


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